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raoulduguay.net est le site officiel de Raôul Duguay, poète, chanteur, philosophe, peintre... bref, omnicréateur québécois.

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  Raôul Duguay et Jean Trudeau

Collaboration et photo d'en-tête :
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L'enfance de l'art

Écrits sur l'art
L'enfance de l'art
La spirale
L'art... un masque?
Du plus loin que je me souvienne, j'ai commencé de jouer avec les formes et les couleurs sur la plage de Dalhousie au Nouveau-Brunswick. J'avais 10 ou 11 ans. Mon grand-père maternel m'y emmenait parfois et nous nous promenions le long de la grève. Puis, mon grand-père me disait : « Mon petit Raôul, grand-papa va faire un petit somme. Amuse-toi dans le sable et fais-moi un dessin ou une sculpture. » Puis, à l'aide d'un bâton, il dessinait un grand cercle au milieu duquel il s'étendait pour dormir et duquel je ne devais pas sortir.

Alors, je commençais par trouver une pitoune échouée sur la grève. Une fois, en faisant une incision tout le long du bout de bois avec le canif que m'avait donné mon oncle Léo, j'ai réussi à obtenir un beau grand tuyau tout en écorce. J'aimais contempler l'écorce de l'arbre mort parce que des bibites y avaient écrit des messages qui me faisaient penser aux hiéroglyphes que j'avais vus dans le dictionnaire, dont je lisais une page chaque jour. Cette fois-là, j'avais apporté le grand tuyau à la maison et l'avais laissé sécher dans le hangar. Une fois sec, j'avais de la gouache de toutes les couleurs et j'avais peint tous les petits dessins qu'avaient faits les bibites. Peut-être est-ce à cet âge que, sans le savoir vraiment, j'entrais pour la première fois dans le monde de la peinture.

Si je n'arrivais pas à enlever la peau de la pitoune d'une seule incision, je découpais l'écorce en rondelles, je creusais un trou dans le sable et plaçais la pitoune dedans. Puis, j'y faisais des petits trous tout le tour, dans lesquels je rentrais des petits bouts de bois ou des branches sèches sur lesquelles je déposais des algues de la mer. Pour moi, je faisais un arbre ou un totem. Enfin, autour je mettais plein de cailloux de différentes grosseurs en forme de spirale. Et je trouvais ça beau. Une fois, j'avais réussi à placer au-dessus de ma pitoune une roche presque triangulaire. Pour moi, comme je l'avais vu dans mon dictionnaire en même temps que les hiéroglyphes, c'était un obélisque. Peut-être est-ce à ce moment que je commençais de sculpter.

Lorsque mon grand-père se réveillait, je lui expliquais tout ce que j'avais fait. Tout étonné de m'entendre l'instruire sur les hiéroglyphes égyptiens et les obélisques, il me disait toujours : « Mon petit Raôul, je ne suis pas allé à l'école assez longtemps pour savoir tout ce que tu me dis, mais continue de jouer. Tu finiras bien par faire un artiste. »

Du monde égyptien qui m'intriguait, j'avais retenu le mystère, le secret, le sacré. Sur le plan formel, ce qui m'impressionnait en regardant les pyramides, c'était que c'étaient de monumentales sculptures faites à partir de la jonction de quatre triangles. Et quand je voyais la forme conique des tipis des Micmacs, je constatais que c'étaient des petites pyramides dont on aurait arrondi les coins. Alors quand je mangeais un cône de crème glacée, je disais à ma grand-mère : « Ça, c'est un tipi inversé! » En fait, ça c'est l'art tel qu'il m'apparaissait enfant.

Aujourd'hui, je considère que l'enfance de l'art commence par tenir éveillée la faculté d'émerveillement et de l'artiste et du spectateur. Une peinture ou une sculpture qui ne contient ni secret ni mystère n'est pas de l'art.

Dans la spirale des jours où, sur cette planète, la protection de la faune et de la flore, des forêts, de l'eau potable, de l'eau des mers, des lacs et rivières, de l'air et des terres arables est devenue un impératif, quand je commence à peindre, dans ma tête et dans mon coeur se lève la voix de la nature profanée par l'avidité des grands et celle des cultures qui doivent protéger leurs identités. Ainsi, peindre m'est nécessité et urgence!

Raôul Duguay
13 octobre 2005

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